Juin 2018 - Entretien dans le MOCI - dossier spécial "SERBIE"

INTERVIEW Un entretien avec Emmanuel Grosdidier, directeur général du groupe La Fonte Ardennaise « Notre implantation en Serbie nous a permis de développer un courant d’affaires local et de rayonner sur l’ensemble de l’Europe centrale et orientale »

Pouvez-vous nous présenter le groupe ?

La Fonte Ardennaise est une so­ciété familiale créée en 1927 avec pour objet la fabrication et la com­mercialisation de pièces en fonte. Notre stratégie de développement a été basée sur deux axes.

Le premier est la diversification en incorporant des activités à valeur ajoutée, telles que l’usinage, le trai­tement de surface, l’assemblage, etc. Le second axe est l’internationa­lisation, avec le démarrage, en 2007, d’une activité d’usinage en Serbie et le rachat en 2011, de LFA España, une fonderie située à Séville.

Nous sommes devenus un groupe qui emploie 1 300 salariés et a ré­alisé un chiffre d’affaires de 220 millions d’euros en 2017. Notre capacité de production est de 130 000 tonnes par an. L’activité in­ternationale, réalisée soit à l’export depuis la France, soit grâce nos fi­liales, a représenté 56 % du chiffre d’affaires l’année dernière. Nous sommes actuellement le premier sous-traitant indépendant en fon­derie en Europe.

Dans quels secteurs êtes-vous pré­sent ?

L’originalité de notre groupe est de travailler pour une large gamme de secteurs. La robinetterie et les pompes, les véhicules industriels, l’automobile et les transmissions représentent environ 70% de notre activité. Nous avons des clients également dans les travaux publics, l’agriculture, les compresseurs, le chauffage et les biens d’équipe­ment. Notre vocation est d’être présent là où il y a un besoin de pièces de fonderie.

Pourquoi vous êtes-vous implanté en Serbie ?

Dans les années 2000, nous étions présents uniquement en France. Nous avons été sollicités par cer­tains de nos clients afin de les ac­compagner en Europe centrale et orientale. Nous avons étudié les possibilités de localisation dans dif­férents pays de cette zone et avons choisi de nous installer en Serbie. En 2007, nous avons créé une fi­liale, MECAFOR, et avons démarré une activité d’usinage dans la ville de Senta, située à 250 kilomètres de Belgrade, près de la frontière hongroise.

Notre activité s’est développée de façon satisfaisante et nous avons décidé de construire une usine neuve, à Kikinda, une ville située à 50 km de Senta, sur des terrains que nous avons achetés. L’usine a été inaugurée le 20 octobre 2016 par Alexandre Vucic, alors qu’il était Premier ministre de Serbie. Depuis mai 2017, il est Président de la République.

Au vu de votre expérience, quels sont les avantages dune implantation en Serbie ?

Pour un industriel, la Serbie est un pays très intéressant, d’abord, en raison de l’existence d’une tradi­tion et d’une forte culture indus­trielles. C’est un pays où on trouve de vraies compétences techniques. Nous n’avons pas eu de difficultés à recruter les salariés dont nous avions besoin.

Par ailleurs, la Serbie offre une sta­bilité politique remarquable. C’est une démocratie, les élections se tiennent régulièrement et cette stabilité n’est pas menacée. Pour une entreprise comme la nôtre qui a une vision stratégique de long terme, c’est un élément indispen­sable.

Autre facteur important : la posi­tion géographique et la qualité des infrastructures de transport, auto­routes en particulier. Depuis la Ser­bie, nous rayonnons sans difficultés sur l’ensemble de l’Europe centrale et orientale : Hongrie, Roumanie, Tchéquie, Pologne, etc. L’implan­tation en Serbie nous permet d’in­tégrer l’ensemble de la chaîne de production incluant la logistique avec des livraisons en flux tendu jusqu’au client final. Cette maîtrise totale de la « supply chain », mise en pratique dans tous nos sites de production, contribue au dévelop­pement du groupe à l’international.

Enfin, la Serbie a signé un accord de libre-échange avec la Russie, qui permet la libre circulation des marchandises entre les deux pays. Même si nous ne l’utilisons pratiquement pas, cet accord est intéressant pour l’avenir dans la mesure où la Russie a un gros po­tentiel d’affaires.

Quen est-il de lenvironnement des affaires ?

En Serbie, nous avons trouvé un environnement des affaires favo­rable aux entreprises étrangères. Le cadre juridique et fiscal est avanta­geux mais l’élément le plus précieux réside dans la formation et la com­pétence des salariés. Le niveau de productivité du personnel de notre usine en Serbie est équivalent à ce­lui de nos usines en France.

Un mot de conclusion ?

La Serbie est le premier pays où nous avons investi en dehors de la France. Nous avons adopté, au début, une démarche prudente et avons appris à connaître le mar­ché, mais aussi la population et sa culture. Nous avons réussi à déve­lopper une clientèle locale et nous

avons renforcé progressivement nos positions. Dans notre usine de Kikinda, nous avons développé une activité additionnelle de plasturgie pour l’industrie automobile.

Les résultats sont positifs. MECA­FOR, qui emploie 78 salariés, a réa­lisé en 2017 un chiffre d’affaires de 9,1 millions d’euros, en progression de 46% par rapport à l’exercice précédent. Nous sommes très opti­mistes sur le potentiel de la Serbie et de l’ensemble de l’Europe cen­trale et orientale.